Naissance du moteur OM 473

Véhicule & Technologie

Un véritable exploit.

Avec une cylindrée de 15,6 litres, une puissance culminant à 460 kW et un couple maxi de 3 000 Nm, le moteur OM 473 appartient à la catégorie reine des moteurs de camions. Son lieu de naissance : l’usine de production Mercedes-Benz de Mannheim.


Un bloc-cylindres rigide et léger, une culasse capable de supporter des pressions extrêmement élevées dans les cylindres, un vilebrequin qui avale aisément 1,2 million de kilomètres et une ligne de montage quasiment sans faute... dans les ateliers de fonderie, d’usinage et de montage du centre de production de Mannheim, les gros moteurs destinés aux camions Mercedes-Benz voient le jour dans les meilleures conditions. Le moteur OM 473 est le dernier-né de la famille, mais aussi celui qui affiche la plus grosse cylindrée, la puissance la plus élevée et le système de frein moteur le plus complexe, sans oublier la technologie turbocompound conçue pour améliorer son efficacité énergétique.


Fonderie.

L’air est sec. Il règne une odeur de feu d’artifice et de moteur chaud. La lueur vive du métal en fusion plonge le reste du hall dans l’obscurité. Le fer chauffé à blanc dans les fours de fusion est transporté vers les fours de maintien dans des poches de transfert, avant d’arriver dans les fours de coulée où il est versé toutes les 320 secondes dans des moules. Cette cadence est le résultat d’un équilibre savant entre précipitation et précaution, car une seule goutte d’eau suffirait à faire exploser le liquide dont la température peut atteindre 1 450 degrés.

C’est ici que sont produites les pièces brutes high-tech des gros moteurs six cylindres en ligne : le bloc-cylindres et la culasse. Tous deux sont réalisés en fonte, celle de la culasse ayant une structure particulièrement cristalline baptisée graphite vermiculaire. Le fer doit être porté à fusion dans un four électrique, car la teneur en soufre serait trop élevée dans un four chauffé au coke.

Peu avant la coulée, le magnésium est ajouté au fer, provoquant un éclair lumineux tout autour du four de fusion. Dans le monde entier, les fonderies capables de maîtriser ce procédé à l’échelle industrielle se comptent sur les doigts de la main. Or, sans lui, il serait impossible de produire quelque 3 500 culasses par semaine, sans parler du reste. Chacune d’elles est aussi trouée que du fromage suisse, et dotée de canaux d’admission et d’échappement très précis pour l’air de combustion, ainsi que de conduites pour l’huile et le liquide de refroidissement.

Ensuite, le moindre résidu de sable de moulage après la coulée est soigneusement éliminé par percussion, vibration et rayonnement, selon des procédés manuels ou mécanisés. Le moment est venu d’effectuer le premier contrôle qualité. A cinq reprises, un petit marteau métallique vient frapper un coin du composant de près de 200 kilos. A l’autre extrémité un appareil au laser mesure les vibrations générées. Le spectre correspond-il au résultat escompté ? Le jugement est sans appel : c’est vert ou rouge. Le moindre écart entraînerait la refonte du composant.


Usinage.

Tournage, alésage, fraisage, meulage... autant de procédés mis en œuvre par les ouvriers dans les deux bâtiments d’usinage des moteurs pour transformer les ébauches en pièces de haute précision capables d’entraîner les modèles Actros, Arocs et Antos avec toute la puissance et la sobriété requises durant toute leur carrière de camion.

Tout commence au niveau inférieur où les vilebrequins forgés sont livrés à l’état brut par la société ThyssenKrupp. Les surfaces qui donneront naissance aux paliers de bielle et paliers principaux sont préusinées sur des machines de tournage fraisage. Suivent plusieurs étapes d’usinage de précision : le meulage est effectué en plusieurs passages, entrecoupés de phases de durcissement par induction. Les surfaces des paliers sont chauffées jusqu’à incandescence, avant d’être trempées dans un liquide contenant des tensides aqueux. Puis viennent l’équilibrage et le rodage, un procédé de lissage permettant d’obtenir des qualités de surface extrêmement élevées. Chaque vilebrequin est enfin mesuré sous toutes les coutures, puis soumis à un contrôle final.

A l’étage supérieur, le hall est équipé d’un tout nouveau parc de machines pour l’usinage des culasses et des blocs-cylindres. Environ 70 % des postes d’usinage, constitués pour la plupart de machines-outils de fraisage et d’alésage, sont pourvus de machines de série. Les 30 % restants ont été conçus spécialement pour la fabrication du moteur OM 473 et de ses congénères.

C’est le cas de l’équipement mis au point pour le frettage des sièges de soupape dans la culasse, fabriqués à partir d’un alliage de cobalt. Selon la version de motorisation, les sièges de soupape peuvent coûter jusqu’à dix euros pièce, et il en faut 24 par culasse. La machine choisit automatiquement le bon type de siège de soupape, puis refroidit chaque cercle à l’azote liquide avant de le placer dans l’alésage de la culasse, qui a été auparavant préparé en conséquence. Les deux éléments sont assemblés par dilatation de l’anneau du siège de soupape.

Régulièrement, les composants doivent franchir ce qu’il est convenu d’appeler des « quality gates » pour vérifier le respect des tolérances minimales et permettre de retracer les étapes de contrôle pour la moindre culasse ou le moindre bloc-cylindres.

Un autre contrôle qualité est effectué un peu à l’écart, dans une salle climatisée. C’est là que les culasses et les blocs-cylindres sont palpés en 2 000 points par des capteurs tactiles. Si le seuil de tolérance est dépassé de seulement 0,001 millimètre en un seul de ces points, la pièce doit être réusinée. A titre de comparaison, un cheveu d’humain adulte a une épaisseur d’environ 0,12 millimètre.

La production se poursuit avec des équipements de haute technologie dans le second hall d’usinage. Le « Nocken-Robbi » (surnom donné par le personnel au robot qui s’affaire dans le bâtiment) est pour ainsi dire le cerveau de l’atelier de production des arbres à cames. Il identifie chaque came, s’en saisit, la chauffe et la transmet au robot de montage qui, à son tour, l’assemble sans effort et dans la bonne position au tube froid de l’arbre à cames. Quelques secondes plus tard, les deux éléments sont solidement reliés par frettage. Les arbres à cames ainsi assemblés sont des composants légers d’une extrême précision, et une spécificité de la nouvelle série de moteurs de la gamme lourde.


Montage.

En face des ateliers de fonderie et d’usinage se dresse un nouveau bâtiment baigné de lumière. C’est là que naissent chaque jour 260 moteurs. La chaîne de montage est une enfilade de supports moteurs de couleur jaune gérés par des boucles inductives intégrées au sol. Le terme de gestion a ici son importance, car il faut savoir que les 60 postes de montage traitent quelque 1 200 variantes de moteur avec une cadence de 3,4 minutes.

Dès son arrivée, avant même d’être fixé à son support, le bloc-cylindres se voit attribuer un numéro de moteur. Désormais, le moteur en devenir est attribué à une commande de camion de l’usine de Wörth ou d’un autre centre de production. La première étape consiste à monter l’arbre à cames, puis c’est au tour des bielles préassemblées aux pistons en acier, et enfin de la culasse avec ses deux arbres à cames, également préassemblés en marge de la chaîne de montage. Quatre visseuses électriques dotées d’une fonction de contrôle de l’angle de serrage se chargent ensuite de serrer les 38 vis de culasse à un couple de 450 Nm. Le moteur doit en effet être d’une robustesse extrême car la pression peut atteindre 235 bars à l’intérieur des cylindres !

Au fond du hall, le moteur OM 473 reçoit son module turbocompound, un turbocompresseur qui transmet l’énergie résiduelle des gaz d’échappement au vilebrequin. Le montage du « premier » turbocompresseur, qui alimente les chambres de combustion en air frais et en gaz d’échappement recyclés, n’a lieu qu’après.

En sortie de chaîne, les moteurs passent encore un contrôle qualité et un test d’étanchéité. Ensuite, chacun d’eux doit réussir un essai à chaud de 19 minutes. Six bancs d’essai sont réservés à ces tests. Rempli d’huile et de liquide de refroidissement portés à la température de service, relié au système d’alimentation et à l’électronique et bardé de douzaines de capteurs, chaque moteur doit démontrer qu’il répond à toutes les exigences (pression d’injection, température, consommation de carburant, etc.) et qu’il mérite donc son étoile.

Avant l’expédition, le moteur doit encore recevoir une couche de finition et passer un dernier test visuel. Car chaque organe qui quitte le bâtiment fait la fierté des quelque 8 500 personnes employées dans le centre de production de Mannheim, conscientes qu’il sera l’organe vital du camion dans lequel conducteur et propriétaire mettront toute leur confiance.


Mercedes-Benz OM 473.

  • Moteur six cylindres en ligne de 15,6 litres de cylindrée
  • Niveaux de puissance et de couple : 380 kW/2 600 Nm, 425 kW/2 800 Nm et 460 kW/3 000 Nm
  • Frein moteur à décompression d’une puissance maximale de 475 kW
  • Quelle que soit la version, le moteur délivre près de 2 500 Nm juste au-dessus du régime de ralenti
  • La force motrice est disponible presque intégralement sur la plage de régimes comprise entre 900 et 1 400 tr/min
  • Système d’injection Common Rail avec amplification de pression X-PULSE
  • Les intervalles de maintenance peuvent atteindre 150 000 kilomètres dans le cas des véhicules long-courriers
  • Disponible sur les modèles Actros, Arocs et Antos

Outre les tests de fonctionnement, le contrôle qualité final inclut un contrôle visuel.

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